• Cormier_Marmoutier_parure_d_automne_photo_JP_LERCH_009
  • Tournee_Marmoutier_ete_2012_224
  • Dammarie_plantation_en_ligne_AC2F_151_(6)
  • cormier_feuille_fruit

I - Généralités

23 - Sorbus domestica

Cormier domestique.
service tree (en anglais) ; speierling (en allemand) ; spirebam (en luxembourgeois) ;

sorbo domestico (en italien):

http://www.lepiantedafrutto.it/pomacee/pomacee-il-sorbo/.

bahçe üvezi (en turc) ; oskorusa (en yougoslave, croate, slovaque, bosniaque).


Rosacée, espèce spontanée, indigène d’Europe méridionale, de l’Espagne à la Crimée en passant par l’Asie mineure. Elle s’est diffusée et naturalisée en dehors de ses régions d’origine, car on l’a cultivée pour l’alimentation. Devenue depuis une essence forestière, elle a été classée en grand danger de disparition (réseau EUFORGEN).
L’arbre à pain des Romains :
Dispersé par ces derniers dans toute l’Europe. Ses fruits, les cormes étaient séchées après la récolte puis servaient de nourriture aux hommes et aux chevaux durant tout l’hiver.
Le cormier n’a pas d’exigences particulières quant au terrain (structure, PH, couches de marne, etc.): très large amplitude écologique.
A noter : le cormier supporte des sécheresses estivales. C’est un des rares feuillus à croître et donc de ne pas perdre en productivité à des seuils de pluviométrie très bas (600 millimètres d’eau/année), configuration qui devrait devenir courante à l’horizon 2050 (lutte contre le changement climatique). Il aura alors toute sa place en Europe pour remplacer des espèces d’arbres qui ne seront plus dans leur niche écologique. Un des buts de ce peuplement est de pouvoir fournir aux pépiniéristes des graines hybrides (potentiel génétique amélioré du fait du brassage des pools génétiques) issues d’arbres sélectionnés pour leurs caractéristiques forestières.

http://www.fajet.net/click.php?url=http://www.fajet.net/APAVAT/podcast_zyv/PNRL/PNRL-JAN2015.mp3

..............................................................................................................................................................................................................................................................

Aire de répartition du sorbus domestica en Europe, carte générale

Merci aux précieuses contributions du Professeur Kausch-Blecken von Schmeling à la cause cormique et au réseau EUFORGEN.

Retrouvez chaque année le pdf du réseau der corminaria de nos amis allemands sur le net.

............................................................................................................................................................................................................................................................

Etude des Flux de gènes du cormier en Europe:

(merci pour votre indulgence quand à la traduction)

Résumé
Diversité haut moléculaire dans le vrai arbre de service (Sorbus domestica) malgré rareté: données de l'Europe avec référence spéciale à la présence autrichienne.
George JP1, Konrad H1, Collin E1, Thevenet J1, Ballian D1, Idzojtic M1, Kamm U1, Zhelev P1, Geburek T2.
Informations d'auteur

Résumé
CONTEXTE(FORMATION) ET BUTS :

Sorbus domestica (des Rosacées) est une de l'espèce d'arbre à feuilles caduques la plus rare en Europe et est caractérisé par une distribution dispersée. Jusqu'à présent, aucune étude géographique à grande échelle sur la génétique de population n'a été effectuée. Donc, les buts de cette étude étaient de déduire les niveaux de diversité moléculaire à travers la partie majeure de la distribution européenne de S. domestica et déterminer sa différenciation de population et structure. De plus, la structure génétique spatiale a été examinée ensemble avec les modèles de flux de gènes historiques et récents entre deux populations adjacentes.

MÉTHODES :

La feuille ou des échantillons de cambium ont été rassemblés de 17 populations couvrant les parties majeures de la gamme natale européenne du Nord-Ouest de la France au sud-est de la Bulgarie. Sept microsatellites nucléaires et un minisatellite chloroplast ont été examinés et analysés utilisant une variété de méthodes.

RÉSULTATS CLÉS :

Allelic la richesse était inopinément haut pour les deux marqueurs dans des populations (moyen par lieu : 3·868 pour nSSR et 1·647 pour minisatellite chloroplast). De plus, il n'y avait aucune preuve (évidence) de reproduire de façon consanguine (pour signifier Fis ? = ?-0·047). La Péninsule italienne a été caractérisée comme une région géographique avec la comparativement haute diversité génétique pour les deux génomes. La différenciation de population globale était modérée (FST ? = ? 0·138) et il était clair que les populations ont formé trois groupes en Europe, à savoir la France, Méditerranéenne/Balkanique et l'Autriche. Le flux de gène historique entre deux populations autrichiennes locales était haut et asymétrique, tandis que le flux de gène récent a semblé être perturbé.

Conclusions : Il est conclu que les mécanismes moléculaires comme l'auto-incompatibilité et des hautes distances de flux de gènes sont responsables du niveau observé de richesse allelic aussi bien que pour la différenciation de population. Cependant, l'influence humaine pourrait avoir contribué au modèle génétique présent, particulièrement dans la région méditerranéenne. La comparaison de flux de gènes historiques et récents peut le miroir le progrès de fragmentation d'habitat en Autriche orientale.

MOTS-CLÉS:
ADN Chloroplast; rosacées; Sorbus domestica; flux de gène; variabilité génétique; fragmentation d'habitat; microsatellites nucléaires; auto-incompatibilité; vrai arbre de service.

................................................................................................................................................................................................................................................................

Du côté de nos amis Suisses... :

Le cormier, un as de la dispersion:

Sorbus domestica

Dans la majeure partie de son aire de répartition, le cormier est une essence forestière naturellement rare et souvent présente à l’état d’individus isolés ou de petites colonies très disséminées. Des craintes avaient été émises sur l’avenir incertain de telles populations naturelles de plus en plus fragmentées par les activités humaines avec le risque invoqué de la consanguinité et de l’absence supposée d’échanges génétiques entre individus éloignés les uns des autres. Une étude suisse remarquable vient de décortiquer les flux génétiques entre individus avec une précision … digne des montres suisses !

La reproduction du cormier:

Les fleurs blanches simples et faciles d’accès du cormier sont disposées en corymbes aplatis. La floraison printanière abondante attire une grande diversité de pollinisateurs généralistes : mouches, syrphes, abeilles et bourdons. Pour une fleur donnée, les étamines mûrissent un peu avant les styles récepteurs du pollen (protandrie). Comme dans un corymbe donné, toutes les fleurs ne s’ouvrent pas en même temps et que d’un arbre à l’autre, la période de floraison varie un peu, les insectes pollinisateurs visitent régulièrement les cormiers fleuris.

Physiologiquement, le cormier est une espèce qui exige la pollinisation croisée (besoin du pollen d’un autre individu) ; cependant, en l’absence de pollinisateurs ou à l’occasion d’un épisode climatique défavorable pendant la floraison, l’autopollinisation reste possible comme mécanisme de secours.

Les fruits charnus en forme de petite poire semblent assez peu consommés par les oiseaux (notamment à cause de leur taille) ; arrivés à maturité, ils deviennent blets et tombent au sol, répandant alors une odeur fermentée. Ils attirent des petits mammifères (dont des carnivores comme renards et martres) mais aussi les chevreuils et les sangliers. Après digestion, les graines sont rejetées dans les excréments et donc ainsi dispersées à distance (endozoochorie).

Une étude grandeur nature à l’échelle individuelle:

Dans le nord de la Suisse, près de la frontière allemande, depuis 20 ans, les forestiers locaux suivent une population de cormiers sauvages disséminés sur un espace montagneux d’environ 100 km2 ; le suivi, mené dans le cadre d’actions de conservation et de récolte de graines comme ressources génétiques, est tel que tous les arbres capables de se reproduire (189) ont été inventoriés, cartographiés et géolocalisés ; ils se trouvent en fait répartis en deux sous-populations dans des zones forestières dominées par le hêtre, à la faveur de pentes calcaires, séparées par des espaces cultivés ou habités, des vallées encaissées, … donc, un paysage hétérogène fragmenté et clairement dominé par les activités humaines. La densité est très faible (de 3 à 4 arbres pour 100 ha) et la distance maximale entre deux arbres atteint 25 kilomètres. Des prélèvements de bourgeons et de feuilles permettent de connaître les profils génétiques de ces individus et les fruits produits sont collectés en automne là aussi pour des analyses génétiques.

Toutes ces données accumulées permettent littéralement de pister d’une part la circulation du pollen et son devenir (pour une graine donnée, connaître le donneur de pollen qui a permis sa formation) et des graines (pour un jeune arbre, quel arbre a produit la graine qui lui a donné naissance) dans ce paysage hétérogène. C’est un exemple quasiment sans précédent compte tenu du caractère individuel de ce suivi sur un vaste territoire.

Une circulation du pollen à une échelle inattendue:

La distance moyenne de déplacement de pollen ayant abouti à une fécondation (fruit avec graines) est de 1,2 kilomètre ; cette moyenne élevée résulte de deux tendances strictement opposées : un grand nombre de déplacements proches dans un rayon de 200 mètres (les échanges de pollen entre individus proches sont donc prédominants) mais aussi, de manière complètement inattendue, 33% des donneurs de pollen localisés à plus de 1 kilomètre de l’arbre mère et 13 évènements de transport de pollen à grande distance (de 12 à 16 kilomètres !). Les deux sous-populations pourtant nettement disjointes et séparées par de vastes espaces non boisés connaissent donc quelques échanges génétiques via cette circulation du pollen transporté par des insectes. Jamais auparavant, même en milieu tropical, on n’avait pu ainsi authentifié de tels déplacements de 16 kilomètres. Cette répartition du pollen dans l’espace avec une « traîne très longue » est typique et se retrouve aussi dans les cas de dispersion par le vent.

Ce flux de pollen à travers les paysages permet donc potentiellement d’envisager la formation d’un certain nombre de graines génétiquement diversifiées même pour des individus très isolés, ce que l’on croyait quasiment impossible auparavant.

Pour expliquer de tels parcours du pollen, on peut s’appuyer sur le comportement des abeilles et bourdons qui sont connus pour avoir d’une part de grands rayons d’action et d’autre part pour leur fidélité à un type de fleurs quand celles ci sont nombreuses à un moment donné. Cela suppose qu’ils sont capables de repérer à distance les cormiers fleuris au milieu des peuplements boisés ce qui semble plausible si on prend en compte les micro sites où vivent les cormiers (pentes chaudes clairsemées).

Une dispersion des fruits qui n’est pas en reste:

Le « pistage génétique » des graines a montré que celles-ci étaient régulièrement dispersées sur plusieurs centaines de mètres ; en fait les dix évènements récents de dispersion réussie de graines s’échelonnent entre 12 mètres et …. 12 kilomètres, la plupart étant entre 1 et 2 kilomètres. Si dans la plupart des cas observés, les déplacements ont eu lieu au sein de massifs boisés, il y a aussi des cas de vallées traversées entre un arbre producteur de fruits et le site d’implantation des descendants.

Comme pour le pollen, on suspectait la possibilité de déplacements à distance mais pas avec une telle ampleur pour des arbres aussi disséminés. Des études menées dans d’autres pays sur des agents de dispersion tels que cerfs, chevreuils et sangliers montrent que ces animaux ont de très grands rayons d’action et que 12 kilomètres n’est sans doute pas le maximum possible.

Malgré ces valeurs qui redonnent de l’optimisme quant à l’avenir d’une telle espèce, force est de constater que la régénération naturelle reste bien limitée et très rare. La faible production de fruits contenant peu de graines, liée sans doute à un recours prédominant à l’autopollinisation, est certainement un facteur limitant. Mais l’évolution observée des peuplements boisés vers des milieux de plus en plus fermés semble encore plus limitante car elle réduit considérablement le nombre de sites d’installation des jeunes plants qui ont besoin de sites éclairés et chauds.

Un paysage fragmenté est-il un obstacle ?

L’autre intérêt de cette remarquable étude, outre l’échelle spatiale retenue, c’est de porter sur un paysage très hétérogène avec une topographie contrastée, des zones cultivées étendues et des zones habitées. Une comparaison des flux observés avec des modélisations a permis de dégager quelques pistes quant à l’impact de la structure du paysage sur la circulation du pollen notamment. Les milieux ouverts (cultures) et les zones habitées semblent renforcer la longueur des déplacements des pollinisateurs : les corridors ouverts facilitent la circulation des insectes pollinisateurs vers les zones boisées surtout si les cormiers fréquentent plutôt les lisières. Même les vallées encaissées ne semblent pas des obstacles infranchissables à la dispersion du pollen : elles imposent aux insectes des vols plus longs.

Exemple de paysage (Auvergne) de moyenne montagne très fragmenté avec de nombreuses lisières forestières et boisements clairs potentiellement favorables au cormier.

Cette superbe étude nous montre que des cormiers même très éloignés les uns des autres peuvent rester connectés génétiquement dans un paysage fragmenté et dominé par les activités humaines, résultat d’autant plus inattendu pour une espèce non pollinisée par le vent mais par des insectes. La fragmentation des espaces boisés a en fait commencé dès le Néolithique et nombre d’essences forestières naturellement rares ont réussi à subsister dans un environnement plus fragmenté.

...............................................................................................................................................................................................................................................................

Chez nous en France, aux prémices de la Révolution Française :

Le 29 brumaire était le jour associé au cormier dans le calendrier républicain, ce qui correspond actuellement à la journée du 19 novembre.

Et quelques dizaines d'années avant... :

Dans le dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, première encyclopédie mondiale éditée aux temps des lumières par Diderot et D'Alembert; Pierre Daubeuton, (10:04:1709-14:09:1776) juriste, avocat et encyclopédiste passionné par l'histoire naturelle, la botanique et le jardinage écrit sur le cormier (je transcrit les fautes) en 1751, 1ère édition, tome 4, PP 242-243 :

CORMIER, s.m. (hist.nat.§jard.) grand arbre qui croît dans les climats tempérés de l'Europe, où on le trouve dans les bois; mais non pas en aussi grand nombre que les arbres forestiers, qui se plaisent sous la même température. Le cormier fait une belle tige, longue droite, unie § d'une grosseur bien proportionnée. Ses branches, qui se soutiennent § se rassemblent, forment une tête assez régulière. Ses racines, qui sont grosses § fortes, s'enfoncent plus qu'elles ne s'étendent. Son écorce est de couleur fauve sur les pousses d'un an; les branches, d'un pouce dediamètre, sont marquetées de taches blanchâtres, qui s'étendent § couvrent le bois lorsqu'il devient de la grosseur d'un bras. Mais dès qu'il prend plus de volume, son écorce rembrunit par les gersures qui la déchirent § la font tomber par filandres. sa feuille, en façon d'aile, est composée de treize ou quinze folioles oblongues § dentelées, qui sont velues § blanchâtres en dessous. Il donne au mois de mai des fleurs d'un blanc sale, disposées en bouquet. le fruit qui leur succède ressemble ordinairement à une petite oire; cependant il varie de forme, § même de couleur, § même de goût, selon les différentes espèces de cet arbre, mais sa maturité s'opère différemment de celle des autres fruits; ce n'est qu'après qu'elles sont cueillies, que els cormes s'amolissent en contactant une sorte de pourriturequi les rend supportables au goût.Aussi n'est-ce pas ce que cet arbre a de plus recommandable ; on l'estimebien plus pour l'excellente qualité de son bois, dont la solidité, la force § la durée le font rechercher pour quantité d'usages, auxquels ces conditions sont absolument essentielles. Le bois du cormier étant donc extrémement compacte § dur, il en résulte que son accroissement est beaucoup plus lent que celui des autres arbres. Quand on l’éleve de semence, il ne parvient en quatre ans qu’à deux piés de hauteur environ ; le saule, au contraire, le peuplier, les grands érables, le platane, &c. s’élevent jusqu’à douze piés dans le même espace de tems : ainsi l’accroissement du cormier est donc six fois plus lent que celui des grands arbres qui croissent promptement. Tout est conséquent dans les opérations de la nature : la lenteur de l’accroissement de cet arbre influe aussi sur le tems de la production de son premier fruit, en proportion à-peu-près égale. Ce n’est guere qu’après trente ans qu’il en rapporte, au lieu que les autres grands arbres en donnent la plûpart dès l’âge de sept ans. Nul doute aussi que cette qualité de son bois ne contribue à faire résister cet arbre à toutes les intempéries des saisons. Angran, qui a donné quelques observations sur l’Agriculture, rapporte que le grand hyver de 1709 ne porta aucun préjudice au cormier. On le met, avec raison, au rang des grands arbres. Il s’éleve souvent à plus de cinquante piés, & j’en ai vû qui avoient jusqu’à sept piés de tour dans des terreins qui leur convenoient.

Ceux où le cormier se plaît davantage, sont les terres fortes, limoneuses, substantielles, & même argilleuses, les lieux frais & humides, les places découvertes, & l’exposition du nord : il vient assez bien aussi dans tous les terreins cultivés, & il ne craint que ceux qui sont trop secs, & les situations trop chaudes : l’une ou l’autre de ces deux circonstances l’empêchent également de profiter & de fructifier, à moins pourtant qu’il n’y ait été élevé de semence.

Ce moyen est le plus sûr qu’on puisse employer pour la multiplication du cormier. On pourroit aussi y parvenir en couchant ses branches ou en greffant : mais ces expédiens sont de peu de ressource ; & si l’on veut se procurer des plants en certaine quantité, & même des variétés, le seul parti qui convienne est de semer. On peut s’y prendre aussi-tôt que le fruit est en maturité, c’est-à-dire lorsqu’il est suffisamment pourri ; ou bien attendre au printems, en prenant la précaution de conserver jusqu’à ce tems les pepins des cormes dans du sable en un lieu sec. Ils ne leveront pour l’ordinaire qu’à l’autre printems. Deux ans après qu’ils auront levé, leur hauteur sera d’environ un pié ; alors on pourra les mettre en pepiniere, où il faudra les conduire comme les plants de poirier. Après y avoir passé quatre années, ils auront communément quatre piés de haut, & il leur faudra bien encore autant de tems pour qu’ils soient en état d’être transplantés à demeurant. Ainsi en supposant même qu’on ait aidé ces plants par une culture bien suivie, on ne peut guere compter de les avoir un peu forts que dix ou douze ans après les avoir semés.

Mais comme le cormier reussit à la transplantation peut-être mieux qu’aucune autre espece d’arbre, le plus court moyen de s’en procurer quelques plants, sera d’en faire arracher dans les bois : par-là on s’épargnera bien du tems ; car ils souffriront la transplantation quoique fort gros. J’en ai vû réussir dans les plantations de M. de Buffon, en ses terres de Bourgogne, qui avoient plus d’un pié de tour, & au moins ving-cinq de hauteur Tout cet acquis de volume ne dispense pas d’attendre encore une dizaine d’années pour les voir donner du fruit. Mais quoique ces arbres reprennent très-aisément à la transplantation, que l’on ne s’imagine pas pour cela qu’il n’y ait qu’à en garnir des terreins incultes pour avoir tout à coup une forêt ; on y seroit fort trompé : la premiere année ils y feroient des merveilles, il est vrai ; mais les deux ou trois années suivantes leur accroissement diminueroit de plus en plus, jusqu’au point qu’enfin ils ne pousseroient qu’au pié, & qu’alors il faudroit les recéper. Il faut donc à ces arbres transplantes une demi culture, telle qu’ils peuvent la trouver dans les vignes, les enclos, les terres labourables, &c. Mais quand le cormier est venu de semence dans l’endroit même, il réussit presque par-tout sans aucune culture.

On peut greffer cet arbre sur le poirier & sur le pommier, ou il reprend bien rarement ; sur le coignassier, suivant le conseil d’Evelyn ; & particulierement sur l’aubepin, où il réussit très-bien, au rapport de Porta. Comme le cormier se trouve plus fréquemment en Italie que nulle autre part, on peut s’en rapporter à cet auteur qui étoit Napolitain. Cet arbre peut aussi servir de sujet pour la greffe du poirier, qui y réussit difficilement ; du coignassier & de l’aubepin, qui y prennent mieux, mais qui sont des objets indifférens.

Les cormes ne laissent pas d’avoir quelqu’utilité : on peut en manger dans le milieu de l’automne, aussitôt que la grande âpreté du suc de ce fruit a été altérée par la fermentation qui en occasionne la pourriture. Les pauvres gens de la campagne en font quelquefois de la boisson ; & même ils font moudre de ces fruits secs avec leur blé, lorsqu’il est chargé d’yvraie, pour en atténuer les mauvais effets.

Le bois du cormier est rougeâtre, compacte, pesant, & extrèmement dur ; d’une grande solidité, d’une forte résistance, & de la plus longue durée ; aussi est-il très-recherché pour quantité d’usages. Il est excellent pour la menuiserie, pour faire des poulies, des visses de pressoir, des poupées de tour, des jumelles de presse, & pour toutes les menues garnitures des moulins. Il est très-propre à recevoir la gravure en bois. Les Armuriers s’en servent pour la monture de quelques armes ; & les Menuisiers le préferent pour les manches & les garnitures d’affutage de leurs outils. Ce bois est rare, & fort cher ; quoiqu’on puisse employer la plus grande partie des branches du cormier, parce qu’il est sans aubier.

Voici les différentes especes ou variétés du cormier les plus connues jusqu’à présent.

Le cormier franc. C’est celui que l’on trouve le plus communément dans les enclos & dans les héritages.

Le cormier à fruit en forme de poire.

Le cormier à fruit en façon d’œuf. Les fruits de ces deux dernieres especes sont les plus âpres & les plus austeres de tous.

Le cormier à fruit rouge. Ce fruit est plus gros & d’un meilleur goût que ceux des especes précédentes.

Le cormier à fruit rougeâtre. Ce fruit est aussi gros que celui de l’arbre qui précede, mais inférieur pour le goût.

Le cormier à petit fruit rouge. Ce fruit est moins moelleux & plus tardif que ceux des autres especes ; aussi n’est-il pas trop bon à manger.

Le cormier à fruit très-petit. Quoique le fruit de cet arbre soit le plus petit de tous, il est assez agréable au goût.

Le cormier du Levant à feuille de frêne.

Le cormier du Levant à gros fruit jaunâtre. Ces deux dernieres especes sont si rares, qu’on ne les connoît encore que sur le récit de Tournefort, qui les a trouvées dans le voyage qu’il a fait au Levant.

Le cormier sauvage ou le cormier des oiseleurs. Cette espece est très-différente de celles qui précedent, sur-tout des sept premieres, qui ne sont que des variétés occasionnées par la différence des climats ou des terreins. Ce cormier ne fait pas un si grand arbre que tous les autres : il donne de bien meilleure heure au printems de plus grandes feuilles, & d’une verdure plus tendre & plus agréable. Ses fleurs disposées en ombelle, sont plus blanches, plus hatives, & plus belles ; elles ont même une odeur qui est supportable de loin. Il y a encore plus de différence dans le fruit de cet arbre ; ce sont des baies d’un rouge vif & jaunâtre, qui se font remarquer en automne : quoiqu’elles soient desagreables au goût, & nuisibles à l’estomac, elles sont si recherchées de quelques oiseaux qui en font leurs délices, que cet arbre les attire, & sert particulierement à les piper. Il croît plus promptement, se multiplie plus aisément, & donne bien plûtôt du fruit. Il résiste dans des climats froids, & jusque dans la Laponie. Il vient dans presque tous les terreins ; il se plaît également dans les fonds marécageux, & sur la crête des montagnes. On peut même tirer quelque parti de cet arbre pour l’agrément : il montre tout des premiers, & des le mois de Mars, une verdure complette, qui jointe à ses fleurs en grands ombelles qui paroissent à la fin d’Avril, & à la belle apparence de ses fruits en automne, doit lui mériter d’avoir place dans les plus jolis bosquets.

On peut le multiplier de graines qu’il faut semer au mois d’Octobre, & qui leveront au printems suivant ; ou bien par sa greffe, que j’ai vû réussir parfaitement sur l’aubepin, si ce n’est que par ce moyen l’arbre ne s’éleve guere qu’à douze ou quinze piés ; ce qui est fort au-dessous du volume qu’il peut acquérir lorsqu’il est venu de semence. M. Miller dit en avoir vû dans quelques contrées d’Angleterre qui avoient près de quarante piés de hauteur sur deux piés de diametre, mais que dans d’autres endroits cet arbre ne s’élevoit qu’à vingt piés. Sa tige est menue, fort droite, & d’une belle écorce unie où la couleur fauve domine. Son bois est fort estimé pour le charronnage & pour d’autres usages, parce qu’il est tout de cœur, & presqu’aussi dur que celui du cormier ordinaire.

La plûpart des auteurs françois qui ont traité de l’Agriculture, ont souvent donné au cormier le nom de sorbier, & ont employé ces deux noms indifféremment en traitant du cormier. Ne s’entendroit-on pas mieux par la suite si on ne donnoit le nom de cormier qu’aux neuf premieres especes que j’ai rapportées, & si on appliquoit particulierement le nom de sorbier à la derniere espece, qui se distingue des autres par des différences si sensibles ? il en résulte que son accroissement est beaucoup plus lent que celui des autres arbres. Quand on l’éleve de semence, il ne parvient en quatre ans qu’à deux piés de hauteur environ ; le saule, au contraire, le peuplier, les grands érables, le platane, &c. s’élevent jusqu’à douze piés dans le même espace de tems : ainsi l’accroissement du cormier est donc six fois plus lent que celui des grands arbres qui croissent promptement. Tout est conséquent dans les opérations de la nature : la lenteur de l’accroissement de cet arbre influe aussi sur le tems de la production de son premier fruit, en proportion à-peu-près égale. Ce n’est guere qu’après trente ans qu’il en rapporte, au lieu que les autres grands arbres en donnent la plûpart dès l’âge de sept ans. Nul doute aussi que cette qualité de son bois ne contribue à faire résister cet arbre à toutes les intempéries des saisons. Angran, qui a donné quelques observations sur l’Agriculture, rapporte que le grand hyver de 1709 ne porta aucun préjudice au cormier. On le met, avec raison, au rang des grands arbres. Il s’éleve souvent à plus de cinquante piés, & j’en ai vû qui avoient jusqu’à sept piés de tour dans des terreins qui leur convenoient.

................................................................................................................................................................................................................................................................

D'autres croyances liées au cormier en Europe :

Symboliques : le Cormier est l'arbre de vie ou "donneur" de vie. Les baies du cormier étaient la nourriture des dieux. C'est un talisman contre la foudre et, par extension, contre les sortilèges. Il est magique pour les Celtes et les Germains.

La "main de sorcière", utilisée pour découvrir les métaux était toujours en cormier. Le fouet au manche de cormier permettait de dompter les animaux ensorcelés. Les agneaux devaient passer dans un cercle en cormier dès leur naissance et un bâton de même essence était planté au milieu des pâturages pour protéger les troupeaux. On le trouve en abondance autour des cromlechs ou des lieux où se pratiquait la divination.

Le cormier est lié à l'idée de deuil, dont la couleur était le rouge en Bretagne et en Grèce dès le néolithique.

Ici, ce sont deux décades dévolues au cormier, l'une au printemps, l'autre en automne. Du 1er au 10 avril et du 4 au 13 octobre.